Le Directeur général des Élections et président en exercice du Réseau des compétences électorales francophones (Recef), Thiendella Fall, exprime son optimisme pour la tenue des élections dans des conditions requises. Dans un entretien accordé au quotidien national Le Soleil, il a annoncé le déploiement du matériel électoral ce week-end. M. Fall encourage également les acteurs politiques à discuter pour mettre fin aux violences préélectorales.
La 10e Assemblée générale du Réseau des compétences électorales francophones (Recef) vient de prendre fin. Pourriez-vous revenir sur l’importance de ces Assises ?
Cette rencontre, organisée par le Recef, en partenariat avec la Direction générale des élections (Dge), a regroupé des administrateurs d’élections de différents pays de l’espace francophone. L’Assemblée générale a été précédée d’un important séminaire dont le thème portait sur : « Des élections sécurisées, apaisées et inclusives ». Nous avons réfléchi, pendant deux jours, sur cette thématique à travers cinq ateliers. Le rendez-vous de Dakar était doublement attendu parce que cette rencontre n’a pas pu se tenir ces trois dernières années à cause de la crise sanitaire. J’assure également la présidence du Recef depuis 2021 ; ce qui rend plus intéressant la tenue des travaux à Dakar. Depuis la création de la structure, au Québec, en 2011, le Sénégal n’avait pas encore abrité ces assises. C’est un honneur pour nous.
Quelles sont les décisions majeures prises lors de cette rencontre de trois jours ?
Les rapports vont être rédigés et envoyés pour validation lors de la réunion du prochain bureau. Mais, je dirai que la rencontre a été un cadre d’échange d’expériences et de bonnes pratiques, de promotion de la pleine participation des citoyens aux scrutins et d’approfondissement des partenariats avec toute institution ayant des fins compatibles avec celles du Recef. Lors des ateliers qui ont porté sur plusieurs sujets, les panélistes, des experts venus de partout, ont partagé leurs réflexions sur les questions qui ont été abordées. La rencontre de Dakar a connu du succès. Les participants ont exprimé toute leur satisfaction sur la qualité des débats et la profondeur des analyses.
Pour certains participants, le Sénégal qui a connu deux alternances pacifiques demeure une vitrine de la démocratie en Afrique…
Tout à fait. Le Sénégal est une vitrine de la démocratie. Pas uniquement en Afrique, mais dans le monde. On vote ici depuis près de 200 ans. Nous avons une tradition de vote ; ce qui constitue le socle de la démocratie. Nous faisons partie des premiers pays au monde à retenir le principe du vote comme mode de désignation des autorités dirigeantes. Les alternances qu’on a connues ont surtout consolidé cette image de vitrine de la démocratie.
Mais, avec le climat politique assez tendu à l’approche des législatives, certains craignent que la démocratie ne marche à reculons dans notre pays. Quel est votre avis ?
Les élections ont toujours charrié des passions, elles ont toujours constitué un enjeu. En effet, c’est grâce aux élections que le pouvoir est élu. C’est dans l’ordre normal des choses qu’il y ait souvent de l’agitation pendant cette période. Je souhaite qu’elle ne dépasse pas le cadre politique, car s’il y a agitation, c’est à cause des stratégies déroulées par des acteurs politiques pour gagner les élections. Mais, je pense que cela ne doit pas déboucher sur la violence, vu qu’elle ne règle pas les questions de démocratie.
Que répondez-vous à ceux qui disent que ces tensions politiques risquent de compromettre la tenue des prochaines élections ?
Je n’ai pas de commentaire particulier à faire à ce niveau. Nous nous préparons, en tant qu’organisateur des élections, à déployer le matériel électoral ce weekend. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’agitations sur le plan politique, mais nous prenons toutes les dispositions pour que les élections puissent se tenir, du point de vue de l’organisation matérielle et technique, dans de bonnes conditions.
Le rejet de la liste nationale de la coalition «Yewwi Askan Wi» a déchaîné des passions dans notre pays. Pour certains, c’est une première dans l’histoire électorale du Sénégal. Quel est votre point de vue ?
Je ne pourrai pas m’épancher sur cette question dans la mesure où le Conseil Constitutionnel a déjà tranché le débat. Il a rendu publique sa décision. À mon avis, nous devons tous nous y soumettre parce que c’est l’instance habilitée à régler les contentieux électoraux.
Peut-on nourrir l’espoir d’avoir des élections libres, transparentes et apaisées ?
Je le pense puisque le Sénégal a toujours fait preuve de maturité malgré le fait qu’il y ait des soubresauts liés à la politique. Le Sénégal, par son génie, a toujours su dépasser ces questions par l’entremise des discussions entre les acteurs. Le dialogue politique a même permis d’anticiper le règlement définitif de ces questions. Grâce au génie sénégalais, notre pays a su trouver des solutions pour endiguer les problèmes chaque fois qu’ils se posaient. Il y a toujours eu une recherche consensuelle de solutions. Les questions ont toujours été réglées de cette manière. Je ne pense pas que 2022 puisse constituer une exception.
Le Sénégal a aussi connu des années de braise sous Diouf et Wade…
Je l’ai souligné tantôt. Il y a toujours eu des soubresauts dans l’espace politique. Pour moi, c’est une façon de montrer la vitalité de la démocratie sénégalaise. Les uns s’opposent, les autres gouvernent, les alternances sont faites. Cela prouve que nous avons une démocratie qui vit et qui respire. Maintenant, dans le jeu politique, la passion a toujours été au rendez-vous. Il faut juste éviter que cette situation ne crée le chaos ou le désordre dans ce pays. Personne n’y gagne. Tout peut se régler par le biais des discussions.