Ce qui se joue au Sénégal est une opportunité pour toute l’Afrique de se sortir enfin d’une situation d’impunité politique, de mal-gouvernance, et d’opacité qui profite aussi bien aux leaders africains qu’aux institutions internationales.
La question qu’il convient de se poser en toute objectivité, c’est : À qui profite le crime ? La situation politique et les systèmes de gouvernance en Afrique ont été et sont encore trop souvent marqués par une personnalisation du pouvoir avec comme corollaires la corruption, le clientélisme, les détournements de deniers publics, le financement d’hommes politiques européens, la signature de contrats opaques et léonins avec des entreprises occidentales et la confiscation de nos ressources dans des banques occidentales en toute impunité. Les pouvoirs occidentaux dénoncent ces mal-gouvernances africaines alors même que ces derniers profitent largement de cette situation. Comment se fait-il que la confiscation des fortunes de l’oligarchie russe ait été si rapide dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne quand les biens mal acquis des riches hommes d’affaires et politiques africains demeurent en Occident si ce n’est qu’ils font le bonheur des économies occidentales ?
À la question à qui profite le crime nous répondons : « Certainement pas aux milliers d’africains qui meurent chaque année en mer pour fuir les conflits et la misère. Certainement pas aux femmes et hommes africains qui décèdent dans nos pays faute de soin car nos infrastructures ne peuvent les prendre convenablement en charge par manque de moyen. Certainement pas aux étudiants africains qui, diplômés de nos universités n’arrivent pas à trouver d’emploi à la hauteur de leurs compétences faute d’un manque de volonté politique de les accompagner. »
La situation n’est pas irréversible. La solution pour y mettre fin devra passer par une réelle démocratie : Un système qui permettra aux citoyens de contrôler le pouvoir des politiques à travers un parlement jouant véritablement son rôle en étant au service du peuple.
Bon An Mal An et n’en déplaisent à ceux qui pensent que l’Afrique est incapable de se prendre en charge, les résultats des élections législatives sénégalaises marquent un tournant et constituent un espoir. Un tournant pour rompre démocratiquement avec une corruption institutionnalisée. Un espoir car c’est une preuve que nous pouvons nous en sortir malgré les obstacles posés par un système en place mortifère.
Un contrôle parlementaire réel, c’est l’occasion pour que les contrats avec les gouvernements occidentaux et les multinationales se fassent dans l’intérêt du Sénégal.
Un contrôle parlementaire réel, c’est l’occasion de demander des comptes aux banques occidentales qui ont confisqué les biens mal-acquis.
Un contrôle parlementaire réel, c’est mettre fin à tous les contrats qui se font au détriment de notre pays.
Un contrôle parlementaire réel, c’est donc créer les conditions pour que le pouvoir politique soit au service du peuple sénégalais.
Contrairement aux analyses en vigueur, les résultats des législatives au Sénégal sont la manifestation d’une véritable stabilité politique en ce sens qu’ils permettent enfin aux parlementaires de jouer leur rôle et de mettre fin au clientélisme et à la corruption politique. C’est une occasion unique et inédite pour que le parlement au Sénégal soit enfin au service du peuple et non une caisse de résonance au service d’un hyperprésident agissant en toute impunité avec souvent la complicité des États occidentaux qui se drapent dans un double langage.
Alors oui les résultats des législatives sénégalaises constituent un signal fort pour toute l’Afrique que nous pouvons prendre en main notre destin par la volonté du peuple et sans effusion de sang ni de pertes humaines.
Il s’agit non seulement de clamer haut et fort qu’il est possible de mettre fin à cette impunité politique mais aussi de poser des actes en ce sens.
BATIR ENSEMBLE UN AUTRE SÉNÉGAL, UN SÉNÉGAL SOUVERAIN DANS UNE AFRIQUE SOUVERAINE.
Dr Daby POUYE, économiste.
Daby POUYE est Économiste, enseignant-chercheur, consultant et professeur associé au CESAG.
Il est spécialiste des questions économico-financières, de commerce international et de développement économique. Ses principaux thèmes de recherche sont les places financières (particulièrement les conditions de la création de places financières africaines), les politiques de développement, la compétitivité des exportations et son impact sur le développement. Son thème de prédilection concerne les conditions de création de la souveraineté économique africaine.