Le 29 avril 2022, un braquage à main armée a été perpétré par une bande sur un indien du nom de Reupesumar Jyotindra Prasad, âgé de 49 ans. N’eut été l’altercation qui avait opposé Mamadou Fall et Moussa Thiam à un agent Asp, la bande allait disparaître dans la nature. Ce jour-là, Mamadou Fall et ses coaccusés ont été informés de la présence d’un individu qui détenait un sac contenant une très forte somme d’argent. La bande a décidé ainsi de quitter Dakar pour rallier Mbour. A 15h 30mn, les assaillants au nombre de 10 réussissent à s’emparer du sac. Les membres du gang étaient armés de couteaux et de pistolets. Après son forfait, le groupe est retourné à Dakar. Mamadou Fall et Moussa Thiam ont été arrêtés par un agent Asp, ils ont refusé d’obtempérer et une altercation s’en est suivie. Ils seront arrêtés et conduits au poste de police de Diamaguene.
Le duo répond à quelques questions avant d’être libéré. Malheureusement au moment où ils s’apprêtaient à quitter les dits lieux, l’information selon laquelle un groupe d’individus à bord d’une moto TMax venait de commettre un braquage à Mbour. Or, Il s’est trouvé que Mamadou Fall et Moussa Thiam étaient à bord d’une moto TMax au moment de leur interpellation. C’est pourquoi les policiers ne tarderont pas à effectuer un bornage de leurs téléphones. Ils y découvrent que vers 15h 30mn, Mamadou Fall et Moussa Thiam se trouvaient à Mbour. Le doute s’est alors installé. Par la suite, ils sont soumis à un interrogatoire rigoureux qui poussera Mamadou Fall à livrer les noms de Issa Ndiaye et Nianga Niang comme étant les autres membres de la bande. En effet, ce jour-là la bande à Mamadou Fall avait reçu l’information selon laquelle Reupesumar Jyotindra Prasad était en possession d’une très forte somme d’argent.
La bande s’est alors donné rendez-vous à Mbour pour déposséder la cible de son bien. Les accusés reconnaîtront avoir été informés par un certain Am, qui travaillait avec l’indien. Mamadou Fall et ses amis armés de couteaux et d’armes à feu réussiront à dérober le sac contenant la somme de 19 millions FCFA. Ils se sont ensuite retrouvés à la Cité Apecsy à Tivaoune Peulh pour se partager le butin. Face au juge d’instruction, ils avaient reconnu les faits devant leurs conseils. Ils seront poursuivis pour association de malfaiteurs, vol en réunion avec usage d’arme et moyens de locomotion. Mais à la barre du tribunal des flagrants délits qui siégeait en chambre criminelle, le groupe a fait volte face. Ils reconnaissent être venus à Mbour le jour des faits mais nient toute implication dans le braquage.
Les coaccusés se contredisent
A la barre, les coaccusés se sont contredits entre eux. Certains ont réfuté les déclarations faites par leurs codétenus.
Mamadou Fall alias Saër 32 ans, mécanicien, Moussa Thiam dit Ndiambé (35 ans), expliquent que Nianga Niang les avait informés du déballage d’un conteneur à Mbour. Ils sont alors venus pour acheter des articles. Le commerçant Issa Ndiaye (32 ans), a voyagé avec Nianga Niang à bord d’une moto qui tombe en panne en cours de route. Nianga Niang va continuer le voyage en laissant Issa Niang chez le mécanicien. Quelques heures après, Issa raconte que Nianga Niang l’a appelé pour lui dire de le retrouver à Dakar.
Le mécanicien Nianga Niang (34 ans), jure n’avoir pas laissé son coaccusé, à Mbour.
Il dit qu’il est reparti sur Dakar avec Issa Ndiaye. N’ayant pas pu participer au vol, Issa Ndiaye a reçu la somme de 650.000 représentant sa part du butin.
Me Abdoulaye Tall va même s’emporter face aux dénégations de son client Issa Ndiaye. Ce dernier, avait reconnu être venu à Mbour pour participer au braquage, mais précise qu’en cours de route leur moto est tombée en panne.Que Nianga Niang l’a laissé auprès du réparateur et qu’il a poursuivi son chemin pour rejoindre le reste de la bande.
Pour Me Tall, son client Issa Ndiaye a eu honte de dire la vérité sachant que sa mère, sa femme et ses amis étaient dans la salle. Et d’indiquer que Issa n’a pas pu arriver à destination à cause d’une panne. L’avocat, convaincu de cette thèse, a ainsi sollicité l’acquittement de Issa ne serait ce qu’au bénéfice du doute.
Si l’indien parle de plus de 10 personnes armées et encagoulées, le témoin, Moustapha Samb, fait état de 2 personnes à visage découvert.
A sa suite Me Omar Sène a assuré que Issa n’était pas sur les lieux.
“Dès l’instant que Issa ne s’est pas déplacé sur les lieux, il ne peut être poursuivi pour vol. S’il y a une chose qu’on peut lui reprocher c’est d’avoir reçu 650.000fr représentant sa part du butin. Il pourrait peut-être être poursuivi pour recel”, a fait valoir la robe noire.
Les accusés disent avoir reconnu au début de leur interrogatoire être les auteurs du braquage du fait d’actes de tortures dont ils ont fait l’objet de la part des éléments enquêteurs.
Suffisant pour Me Mademba Diop de se demander sur quoi s’appuyer pour entrer en voie de condamnation contre les quatre accusés qui reconnaissent tous avoir été torturés.
Me Mamadou Guèye, qui défendait les intérêts de Mamadou Fall, assure qu’il y a une absence manifeste de preuves dans la réquisition du Procureur.
“Aucune arme n’a été placée sous scellé . Le droit pénal est un droit de certitude.
L’infraction d’association de malfaiteurs n’est pas établie”, défend Me Mamadou Guèye.
Pour Me Abou Daff, son client Moussa Thiam n’a pas été arrêté porteur d’armes ou de quelconque somme d’argent.
“Qui croire, la partie civile ou le témoin ?
Est-ce que le hasard ne s’est pas mêlé de cette affaire? Le témoin vous dit” j’ai été témoin mais je ne reconnais pas ces personnes”. L’entente et la coordination de l’infraction elle a eu lieu où ?”, demande Me Daff.
Pour sa part, Me Fadel Fall doute du degré de participation de son client Moussa Thiam dans cette affaire.
Il a invité le tribunal à repenser l’implication.
“La bande a reconnu qu’un certain Lou et un certain Shinou ont pris le sac. Mais où sont les objets du crime ? Seules les motos pourraient être retenues dans cette affaire, on n’ a pas retrouvé les armes, ni l’argent”, a soutenu Me Fadel Fall qui a invité la chambre criminelle à disqualifier les faits en complicité de vol en réunion et faire bénéficier à son client de circonstances atténuantes.
Me Abdou Aziz Ndiaye, avocat de Nianga Niang, estime que l’enquête a été biaisée, que tout a été orienté sur des conducteurs de moto TMax.
“L’enquête a été menée uniquement à charge. Dans ce dossier, il n’y a pas d’éléments objectifs qui peuvent être rattachés à Nianga. Il n’y a pas d’élément objectif. A partir du moment où le témoin a soutenu que les malfrats étaient à visages découverts et qu’il ne reconnaît pas ces individus, comment peut-on entrer en voie de condamnation contre eux? Il n’y a pas l’ombre d’une preuve de la culpabilité de Nianga Niang”a-t-il fait entendre.
D’ailleurs, Me Adama Fall dira que les enquêteurs ont voulu forcer le destin. Il rappelle les faits et assure qu’on n’a pas pu appréhender les auteurs sur le lieu du crime.
“La police a tiré une conclusion très hâtive. Dans mes locaux, je détiens deux individus qui sont à bord de ce genre de moto et qui reviennent de Mbour. Il fallait que la déposition des victimes concorde avec les déclarations de la Police. Le témoin n’a pas pu identifier les individus. Une faiblesse est notée dans l’enquête. La police dit avoir trouvé sur eux des sommes de 700.000, 650.000 francs. Comment cela se fait pour qu’ils se partagent cette modique somme si l’on sait que chacun devrait au moins se retrouver avec plus de 1 million”, questionne Me Adama Fall.
Il revient pour dire que dans les lieux de privation de liberté, il se passe des choses que la décence interdit de relater.
“On l’a torturé pour le pousser à reconnaître des choses qu’il n’a pas faites.
Ce qui est constant, c’est le doute dans l’imputabilité des faits, ce n’est pas parce que vous avez été bernés dans une ville que vous êtes mêlés à cette affaire. Ils n’ont pas formellement été identifiés”, défend Me Adama Fall.
Le procureur a requis la réclusion criminelle à perpétuité. Car, convaincu que les accusés sont les auteurs de ce braquage.
La bande sera fixée sur le sort le 20 juin.