Les acteurs du secteur portuaire ne parlent plus le même langage avec la direction générale du Port Autonome de Dakar. En effet, après avoir tenté toutes les démarches pour trouver des solutions à leurs problèmes au niveau du port, les transitaires et autres acteurs portuaires interpellent l’Etat. Pour eux, seuls les autorités étatiques peuvent mettre fin à leur bras de fer avec la tutelle.
Depuis presque deux mois, les acteurs portuaires notamment les transitaires éprouvent d’énormes difficultés pour sortir leurs conteneurs. Des surtaxes sur les magasinages avec le Dubaï port en charge de l’exploitation du port au mole 8 et les surésaris avec les compagnies maritimes leur sont imposés. Ibrahima Thiaw, membre de l’association pour la sauvegarde et la sécurité des transitaires et des acteurs portuaires (ASTAP) revient sur leurs tracasseries et les problèmes auquels ils sont confrontés avec les chargements de leurs conteneurs. “On a des problèmes pour sortir nos conteneurs et en plus de cela on nous fait payer des surtaxes. Le problème date de très longtemps et n’est pas encore résolu”, a-t-il fait savoir avant de poursuivre.
“Depuis un an ou 1 an et demi que la facturation est automatisée à travers une plateforme. Mais il se trouve qu’il y a pas mal de compagnies qui n’arrivaient pas à donner la facturation à temps donc, celà fait que nous sommes arrivés à avoir des surtaxes pour certains conteneurs”.
“Nous avons un délais de 10 jours pour sortir les conteneurs aussi bien pour la compagnie maritime que pour Dubaï Port qui fait l’exploitation de débarquement du conteneur. Au-delà de ces 10 jours, il y a des surtaxes sur le paiement qui doivent se faire. Parfois ils nous font payer le surplus alors que c’est la compagnie qui n’a pas sorti le conteneur à temps”, a-t-il argumenté.
Après ce rappel, Ibrahima Thiaw est largement revenu sur le nœud du problème avec les retours vides. “Le plus grand problème dans cette affaire c’est ce que l’on appelle les retours vides. Les conteneurs qui viennent d’Europe sont des conteneurs full (remplis). Dans les normes, après utilisation, ils doivent être restitués à la compagnie concernée qui, à son tour, l’envoie à Dubaï Port qui doit les renvoyer à bord de navires mais il s’est trouvé qu’il y a plusieurs conteneurs vides qui n’ont pas été renvoyés. Ce qui fait qu’on a tous les problèmes du monde pour faire venir un conteneur déchargé, une fois les opérations faites, par manque de place, le conteneur vide reste avec le transporteur pendant plusieurs jours. Les voitures qui effectuaient trois rotations par jour n’en font qu’une quotidiennement et elles peuvent rester cinq à six jours au-delà pour pouvoir chanrger un autre conteneur. Et à ce niveau, le transporteur a des problèmes parce que ses voitures sont immobilsées avec des conteneurs vides et le transitaire qui a déjà fait toutes ses opérations, n’arrive pas à trouver un transporteur parce que les conteneurs vides ont confectionné le port ce qui crée un embouteillage énorme”, explique-t-il avant de rappler que les compagnies continuent de taxer les jours de surésaris et le magasinage: “le plus gros problème ce sont les conteneurs vides au nouveau du port et les frais sont à la charge du transutaire ou du client qui s’est déjà acquitté de ses formalités douanières et d’enlèvement. La compagnie qui devait te livrer ne s’acquitte pas de cette tâche et par dessus le marché elle te fait payer la taxe c’est celà qui est aberrant”, a-t-il précisé. De grosses pertes découlent de cette situation. Il rappelle ainsi que pour les petits conteneurs de 40 pieds, les taxes peuvent aller jusqu’à 90 mille francs Cfa ou 100 mille francs Cfa par jour. Et pour ceux de 20 pieds ils paient entre 30 mille et 35 mille voire 50 mille journalièrement. “Imaginez vous quelqu’un qui a un lot 50 conteneurs ou de 100 conteneurs ils paient des cinquantaines de millions de taxes”, s’est-il plaint. Il a également rappelé qu’ils ont été voir le directeur général du port pour lui faire part de cette situation qui n’est pas du ressort des clients ou des transitaires: “nous avons vu le directeur général du port avant le 20 octobre pour lui dire qu’on a un problème de congestion dans le port et ce sont les lignes maritimes et Dubaï Port qui en sont responsables à cause des conteneurs vides qui n’ont pas été réambarqués au niveau de leur destination finale. Et il a eu à poser des actes en discutant avec les compagnies maritimes et Dubaï Port qui nous ont fait une annulation par rapport au surésaris et au magasinage du 1er août au 20 octobre. En plus ils avaient décidé qu’on allait s’asseoir au tour d’une table à quelques jours de la date limite pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Mais à date échue, le problème s’est corsé parce qu’il y a toujours des conteneurs qui n’arrivent pas à être chargés jusqu’à présent. Et depuis, c’est silence radio au niveau de la direction générale. Pire, pour la facturation, Dubaï Port prend en compte la date du 1er août qui, en principe ne devrait pas être taxée. Dans les normes les taxes devraient commencer à compter du 21 octobre et celà pose problème. Après discussion pour trouver une solution durable pour sortir de ce cercle vicieux mais toujours rien”, soutient-il.
Pour ces travailleurs du port, ce bloquage au niveau du port est arrivé à un point où seul l’Etat est habilité à y trouver une solution. “Le problème dépasse largement directeur du port. Donc nous pensons que c’est l’Etat qui doit s’en occuper parce que ce problème est un peu international quand même parce ici ce sont tout simplement des représentants d’autres compagnies qui sont dans les pays occidentaux. C’est un problème qui devrait être réglé entre Etat. Le directeur du port a beau essayé mais là on sent nettement qu’il ne pourra rien faire. Même avec la première décision qu’il avait prise pour l’annulation de ces magasinages surésaris, certaines compagnies ont tardé à l’appliquer et là actuellement nous sommes à deux semaines et celà tarde toujours. Ce qui veut dire qu’il est un peu contraint par les lignes maritimes et Dubaï Port parce que ce sont des multinationales qui ont assez de force quand même. Par exemple Dubaï Port a un contrat direct avec l’Etat. Ceci dit on sent nettement qu’il y a anguille sous roche et ce sont de grandes compagnies qui ne cèdent pas comme celà, ils ont des comptes à rendre à leurs supérieurs qui sont à l’extérieur. S’ils ont des magasinages et surésaris à éponger il vont rendre compte à leurs supérieurs”, a expliqué M. Tine qui précise qu’ils ont déjà rencontré le premier ministre et que malgré les assurances, les problèmes restent en l’état: “c’est Amadou Ba même, le premier ministre, qui avait dit qu’il en fera un problème personnel depuis la première fois qu’on a eu une rencontre avec lui mais lui aussi tarde à le résoudre”, a-t-il rappelé.
“Si le problème n’est pas réglé et que l’Etat ne réagit pas celà va être très grave parce que le port de Dakar est le plus grand port de l’Afrique de l’Ouest et s’il ne marche pas, les autres qui sont dans les pays limitrophes ou dans la sous région comme le port de Cotonou, le port de la Côte d’Ivoire vont subir les dégâts parce que la plupart de leurs conteneurs passent par ici avant d’être livrés à leur destination finale. C’est pour celà que celà va être un problème d’ordre national”, a-t-il prévenu.
Rappelons que pour exprimer leur ras-le-bol par rapport à cette situation, ils avaient décrété un arrêt de travail au nouveau du secteur du port concernant la liquidation des droits de taxe, l’arrêt de paiement des droits de compagnies et des droits de fret toute opération portuaire. Sur ce point, M. Tine reconnaît qu’ils n’ont pas totalement levé le mot d’ordre: “Nous sommes en pourparlers depuis lundi passé mais nous n’arrivons pas à trouver un terrain d’entente parce que les compagnies dans leur ensemble ont décidé d’enlever le magasinage et le surésaris jusqu’au 15 novembre mais ce n’est pas possible. Du coup le problème va rester entier”, a-t-il expliqué. “Le directeur du port nous a remis un protocole de 18 articles qu’on devait étudier ce que nous avons fait mais nous ne sommes pas en phase avec certains articles c’est pour celà qu’on a continué. On était en réunion ce samedi mais à la sortie de cette réuni on n’est pas encore d’accord sur la levée du mot d’ordre de la grève ce qui veut dire qu’on va la continuer. On va encore discuter du protocole parce que celà nous a pris beaucoup de temps et on était un peu fatigués. On va encore continuer l’étude de ce protocole lundi (aujourd’hui NDLR) et le remettre au directeur général pour qu’il puisse discuter avec les compagnies maritimes et d’ici mardi on va essayer de se retrouver pour trouver un consensus final parce que même nous on est fatigués. On a des conteneurs à déclarer, les clients nous appellent de partout, eux aussi ont des problèmes avec leurs produits. Ils disent qu’ils en ont vraiment besoin et ils tardent à les prendre parce que c’est un protocole d’accord entre transitaires de s’accorder pour travailler dans ce sens malgré qu’on constate qu’il y a des défaillants parmi nous qui essaient de se sauver”, a-t-il argumenté.
Aly Saleh