Ce dimanche 19 novembre 2023, huit ans après le meutre horrible de Fatoumata Mactar Ndiaye, Seneweb vous replonge dans cette affaire qui a ému l’opinion nationale.
Nous sommes en 2016, exactement le 19 novembre. Il est 7h passées de plusieurs minutes à Pikine Hourou Narr. Pour un quartier qui grouille de monde, un calme inhabituel règne à cette heure. C’est la veille du Magal de Touba , et la majorité de ceux qui y résident ont pris la destination de la ville sainte.
El Hadj Amadou Ba, habitant des lieux , est tiré de son sommeil par un cri strident! Ce dernier quitte son lit en trombe et à moitié endormi, pour aller voir ce qui se passe. Pile, au moment où il sort de chez pour s’enquérir de la provenance des cris, ce dernier tombe sur un de ses voisins sortant de la maison d’en face , Samba Sékou Sow alias Bathie, couteau à la main, essoufflé et paniqué…Celui-ci court à un rythme endiablé.
Amadou Bâ s’aperçoit qu’il n’est pas le seul à être alerté par les cris. Il aperçoit un autre voisin, Khadim, sortir de la maison d’en face, et s’arrêter. Les deux hommes décident de poursuivre Bathie. Après quelques minutes, ils mettent la main sur l’homme qui, habits tachés de sang et blessures visibles à la main, semble paniqué et à bout de souffle.
Les deux acolytes pensent être les témoins d’ une agression. C’est ainsi qu’ils prennent l’initiative d’emmener ce dernier au dispensaire du quartier pour qu’il puisse bénéficier de premiers soins.
Malheureusement, la structure n’est pas encore ouverte et ils décident alors de revenir sur leurs pas avec le blessé tout en tentant de savoir ce qui s’est passé. Chose difficile car Bathie reste emmuré dans le silence. Pire, il profite d’une petite seconde d’inattention de ceux qui l’ont rattrapé pour s’enfuir encore une fois de plus.
Comme dans un film d’horreur
Ne pouvant pas le rattraper, un petit groupe de voisins se dirigent à la hâte vers la maison où travaille Bathie. Ils sont loin d’imaginer qu’une scène d’horreur les y attend. Ils découvrent. Amadou Sow gisant dans une mare de sang, presque égorgé, et respirant avec peine. Le blessé est emmené d’urgence à l’hôpital, le plus proche.
A partir de là, les événements s’enchaînent. La première stupeur passée, ils se rendent vite compte que cette matinée d’horreur est loin d’être terminée.
La terreur s’installe. Ils constatent alors avec effroi qu’une masse semblable à un corps, recouverte d’un drap blanc, se trouve devant eux. Le silence glacial fait place à l’horreur quand le drap est soulevé…Fatoumata Mactar Ndiaye, 63 ans, cinquième vice-présidente du Conseil Économique, Social et environnemental, est là, inerte, plusieurs blessures sur le corps, la gorge tranchée, sans respiration aucune.
La consternation et la rage se lisent sur tous les visages. Qui a bien pu s’en prendre aussi sauvagement à cette brave dame et à son fils, chez eux, et de si bonne heure ?
Gnimou Niang, mère de la victime, qui au moment des faits était sur la terrasse, comme à l’accoutumée, pour égrener son chapelet après la prière matinale, tombe des nues. C’est avec beaucoup de peine qu’elle affirme qu’elle a dormi ce soir-là avec sa fille, pour l’assister dans sa période de viduité. C’est cette dernière qui l’a d’ailleurs réveillée ce matin-là, pour la prière de l’aube. Chose faite, elle affirme s’être retirée sur la terrasse, pour lui permettre de prendre sa douche et de refaire la chambre.
Quelques minutes plus tard, elle est alertée par des hurlements. Après s’être penchée pour voir ce qui se passe, Gnimou Niang rapporte qu’elle a failli sauter de là où elle était . L’image de son petit-fils, recouvert de sang et transporté par un groupe de voisins la plonge dans l’étourdissement.
Elle aperçoit par la suite des voisins entrer et sortir de la chambre de sa fille en hurlant, et c’est là qu’elle a compris qu’elle n’était plus.
Descendant péniblement les marches sous le coup de la panique, cette dernière confirme devant les enquêteurs, qu’elle a trouvé sa fille couchée sur le dos, la gorge tranchée et la tête tournée vers la droite.
Prenant un effort surhumain, elle a ensuite fermé la porte de la maison pour éviter l’intrusion des badauds, ainsi que de la presse, en attendant l’arrivée de la police.
Premiers témoignages
Bineta Sow, sœur de Fatoumata Mactar Ndiaye, donne une version troublante aux enquêteurs. Elle précise à ces derniers que c’est son neveu Amadou Sow, qui l’a réveillée brusquement ce matin-là, pour lui dire qu’un individu s’est introduit dans la chambre de sa mère.
Affolée, elle sort immédiatement de la maison pour chercher de l’aide. Malheureusement, il n’y a personne d’autant plus qu’il fait tôt Paniquée, ses pieds ne tiennent plus. Elle finit par s’écrouler par terre ne sachant plus quoi faire. D’un coup, elle aperçoit Bathie, le chauffeur de sa sœur sortir furtivement de la maison avec un couteau ensanglanté à la main.
Il ne s’est pas arrêté, et cette dernière a essayé tant bien que mal de le suivre tout en criant au voleur, pour ameuter les gens. N’y arrivant plus, elle retombe au sol une fois de plus. Quelques minutes plus tard, des voisins sont alertés et l’aident à se relever. Elle affirme pour terminer : « Quand je suis revenue sur mes pas, essoufflée, mon neveu était déjà conduit à l’hôpital et ma sœur morte .»
Meutre prémédité, ou agression qui a mal tourné, l’affaire Fatoumata Mactar Ndiaye débute.
Les premiers éléments de l’enquête
Après avoir pris ses jambes à son coup, Samba Sékou Sow alias Bathie, chauffeur de Fatoumata Mactar Ndiaye est parti se réfugier sur la terrasse d’un voisin. L’arme du crime saisi par la police de Pikine, avec tous les soupçons qui pèsent sur lui, le suspect est immédiatement arrêté, et conduit au commissariat pour être interrogé. Les enquêteurs jugent nécessaire de se pencher de plus près sur les informations liant la victime et son présumé meurtrier.
Fatoumata Mactar Ndiaye, décrite à l’unanimité comme une brave dame, aimante et aimée de tous, n’avait pas mérité cette violence inouïe qui s’est abattue sur elle, si l’on en croit la communauté pikinoise. Ses proches et voisins affirment qu’outre ses prérogatives de vice-présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental, Présidente des femmes de l’Alliance Pour la République à Pikine, elle était très engagée socialement.
Discrète et très empathique, elle ne ménageait aucun effort pour venir en aide à tous ceux qui en avaient besoin. Elle œuvrait de surcroît, à rassembler tous les membres de sa famille chaque semaine et cela depuis qu’elle est entrée à l’université, pour des réunions familiales, afin de consolider leurs liens. C’est dans cette optique d’ailleurs qu’elle a accueilli à bras ouverts Bathie qui n’était pas qu’un simple chauffeur. Ce dernier était considéré comme un membre de la famille et même le bras droit de la victime.
Sans sens interdit dans la maison, ce dernier connaît de surcroît toutes les habitudes des membres de la famille.
Il est important de souligner cela pour essayer de comprendre l’atrocité du geste du présumé meurtrier, en se référant au certificat de genre de mort de la victime , à savoir « une hémorragie massive causée par la section du coup, avec un objet tranchant ». Le médecin légiste constate également des blessures pénétrantes sur la poitrine, la cage thoracique, la jambe et les cuisses. Qu’est ce qui a pu causer un tel sadisme ?
Au fur et à mesure de l’enquête, les policiers apprennent également que Bathie avait fait part à tout le monde qu’il partait pour le Magal. Cependant, il est retourné chez sa patronne la veille du massacre, disant vouloir récupérer quelque chose dans le garage. Fatoumata Mactar Ndiaye n’y voit pas d’inconvénients, et lui demande d’aller prendre les clés, vu qu’il connait bien leur emplacement habituel. Il passe par le garage pour ouvrir le portail donnant au dehors de la maison, puis revient sur ses pas déposer les clés là où il les avait prises, pour finalement prendre congé. Passant par la petite entre-ouverture qu’il avait soigneusement laissée, il se faufile à nouveau dans la maison, cette fois-ci à l’abri de tout regard. Ses sandales seront retrouvées plus tard dans le garage, par Daha Ndiaye, le frère de la victime qui le signale aussitôt aux enquêteurs.
Sur le lieu du crime, ces derniers constatent également des tâches de sang sur la véranda et rez-de-chaussée. La police scientifique intervient alors, pour passer au peigne fin le lieu du crime, afin d’analyser toutes les preuves.
Peu à peu, la majorité des preuves vont à l’encontre du suspect. Acculé, ce dernier met fin à ses dénégations et reconnaît les faits. Il conte dès lors sa première version des faits aux enquêteurs concernant les raisons de ce crime odieux qui tourne probablement autour d’un mobile financier.
Bathie donne sa version
Il déclare aux enquêteurs que “tuer sa patronne ne figurait pas dans ses plans”.
De prime abord, son entourage affirme qu’il avait formulé l’intention de se marier et devait envoyer d’ailleurs la dot, une semaine après.
Il reconnaît cela, et ajoute qu’il avait prévu de s’introduire discrètement chez sa patronne ce matin-là. Il savait que cette dernière avait pour habitude de garder de l’argent dans son armoire, et pourrait éventuellement profiter du moment où elle monte à son tour à la terrasse, pour voler un peu, afin d’assurer pleinement son engagement auprès de sa promise. Et juste après, quitter les lieux en toute discrétion.
Malheureusement, une fois dans la chambre de sa patronne, alors qu’il s’apprêtait à défoncer la porte de l’armoire avec un couteau de cuisine, un bruit venant de la salle de bain attire soudainement son attention. Il n’était pas seul dans la chambre, pensa-t-il.
Il poursuit, en affirmant qu’à ce moment-là il tombe nez à nez avec sa patronne qui, étonnée de le voir à cette heure, car il devait être normalement à Touba, comprit aussitôt l’évidence : son chauffeur est venu lui voler de l’argent.
Bathie se rappela du couteau qu’il avait à la main, et agit sans y réfléchir à deux fois.
A ce moment-là, l’enquête préliminaire concernant la mort de Fatoumata Mactar Ndiaye prend une autre tournure.
Poursuivi pour trois chefs d’accusations à savoir, homicide volontaire, tentative d’homicide sur Amadou Sow le fils de la victime, et tentative de vol, Samba Sékou Sow, est déféré au parquet, et attend d’être attrait à la barre devant la chambre criminelle du tribunal de Dakar.
Un procès pas comme les autres !
Trois ans après le meurtre de Fatoumata Mactar Ndiaye, le procès s’ouvre enfin. Le 16 décembre 2019, les proches de la victime, et son présumé meurtrier reçoivent leur convocation du ministère public par le biais du procureur, ainsi que toutes les personnes ayant été entendues.
Le 7 janvier 2020, Batieu fait face pour la première fois à la famille de sa défunte patronne. Une famille qui n’arrive toujours pas à comprendre comment il a pu en arriver à cette extrémité.
Serigne Bassirou Guèye, procureur de la République, ayant déclenché les poursuites pénales à l’encontre du présumé meurtrier, campe sur l’hypothèse selon laquelle, le mis en cause est bien l’auteur des faits.
Le procès s’ouvre sur un coup de théâtre. En effet, dans le procès verbal, Bathie avait reconnu les faits. Mais une fois à la barre, l’accusé plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés. Bathie affirme n’avoir jamais évoqué ce qui figure dans le procès-verbal.
Pour sa défense, il explique qu’il voulait aller au Magal de Touba, mais que sa patronne n’était pas du même avis.
Il n’en dit pas plus, et revient travailler le lendemain, veille du massacre, assure-t-il. Il en profite, dit-il, pour emmener la voiture de la victime au lavage. Vers 15h, sa tante, l’aurait contacté pour qu’il rencontre un individu dans une une station service, raconte-t-il.
Une fois sur place, il rencontre ce dernier qui semble être un marabout, d’après lui. Celui-ci lui tend une bouteille de lait, lui disant qu’il devait boire son contenu obligatoirement. Chose qu’il fit sans broncher, car selon lui, ce dernier avait été envoyé par sa tante.
Quelques minutes plus tard, enchaîne t-il, il part déposer la voiture chez sa patronne et lui remet les clés.
Il reprend pour affirmer devant un tribunal stupéfait que sa tante lui aurai jeté un sort, ainsi qu’une certaine Awa Niang, qui au moment des faits, est députée à l’assemblée nationale, et fréquente la famille de la victime.
Il poursuit en disant qu’ il entretenait une liaison avec cette même Awa Niang depuis un certain temps. Et n’avait nullement besoin d’argent, pour voler sa patronne qui la considérait comme son propre enfant après quatre ans de service.
Bathie multiplie des déclarations explosives. Il raconte que sa tante et Aawa Niang lui donnaient régulièrement des talismans à mettre dans la voiture de la victime, chose qu’il refusait toujours.
Il continue en disant : « ce jour là, après avoir bu le lait, j’obéissais au marabout au doigt et à l’œil.Il avait une voiture à sa disposition, et m’a demandé de le conduire chez la politicienne, Seynabou Gueye, puis chez Abdoulaye Timbo, et pour finir chez Maimouna Baldé. Ensuite, il m’a ramené chez lui. Le jour du crime, il m’a réveillé de bonne heure. J’étais nu, et j’ai vu des traces de spermes sur moi. Il m’a donné ensuite un boubou à enfiler. Et j’ai encore bu le contenu d’une autre bouteille. Il m’a donné un couteau par la suite et m’a demandé de le conduire chez ma patronne. Chose que j’ai faite sans broncher. Il a revêtu un jellaba blanc, puis nous sommes partis. Une fois sur les lieux, je lui ai ouvert la porte, et au moment où cette dernière sortait de la salle de bain, le marabout à pris le couteau de mes mains et l’a poignardée”.
L’accusé continue en affirmant qu’il se trouvait toujours debout à ce moment-là, et soudainement, Amadou Sow, fils de Fatoumata Mactar Ndiaye, a toqué à la porte, ayant entendu des bruits provenant de la chambre de sa mère. Le marabout lui aurait donné par la suite, toujours d’après lui, une autre potion à boire, ainsi que le couteau, en le sommant d’attaquer sa patronne.
Une fois qu’ils ont ouvert la porte, ils sont tombés sur Amadou Sow. Le mis en cause poursuit en disant s’être battu avec lui. Une fois son adversaire à terre, le marabout lui a conseillé de s’enfuir.
Ces déclarations installent un silence glacial dans la salle. Il vient de citer des noms, de surcroît pour la majeure partie, amis de la famille de la victime.
Loin d’être ébranlé par ce récit, le parquet y voit une tentative désespérée de l’accusé de tenter de semer le doute chez le public par ces révélations fracassantes.
Et en effet Bathie parvient à semer le doute dans la tête des membres de la famille de la victime, qui affirment que les personnes citées devraient donner leurs versions.
Ceci est vite balayé d’un revers par l’avocat de la famille, Me Abou Daly Kane, qui ne croit pas en cette hypothèse de meurtre commandité , car elle ne tient tout simplement pas la route.
Il affirme à cet effet : « La chambre criminelle a su qu’elle avait non seulement devant lui un criminel, mais également un manipulateur. Parce que ce monsieur a essayé de manipuler les juges et l’opinion, en faisant croire que ce crime est consécutif à un acte commandité, qui aurait été faite par sa tante et l’honorable députée, Awa Niang. L’accusé a commis une barbarie qui a emporté la vie d’une femme »
Au total, Bathieu va servir six versions différentes et incohérentes.
Le fils de la victime, Amadou Sow, devant la barre, revient en détail sur ce qu’il a vu ce jour-là. D’après lui, il est sorti ce matin-là de sa chambre après avoir entendu des bruits étranges provenant de la chambre de sa mère.
Un bruit, comme si quelqu’un s’étouffait. Pris de panique, il frappe à la porte à plusieurs reprises. Puisque personne ne répond, et que la porte est verrouillée, il court vers la fenêtre de la salle de bain. Le robinet coulait toujours d’après lui, et il ne cessait d’appeler sa mère sans obtenir de réponse.
Retournant encore devant la porte, il en profite pour réveiller sa tante. Quelques instants après, il voit Bathie sortir de la Chambre couteau à la main, et recouvert de sang.
Ce dernier l’a ensuite attaqué et il s’est défendu en attrapant le côté tranchant de l’arme. Perdant son souffle, poursuit-il, il s’est retrouvé par terre, toujours une partie du couteau en main. Plus il s’affaiblissait, plus le couteau lui tranchait la gorge. Puis, c’est le trou noir, affirme–t-il.
La Défense réplique dans sa plaidoirie par le biais de Me El Hadj Mamadou Ndiaye ; « Je ne suis pas convaincu que c’est mon client qui est à l’origine de ce meurtre, vu que l’un des témoins a déclaré avoir vu une personne habillée en djellaba blanc se sauver le jour des faits».
Malgré ces dénégations, les avocats de la partie civile, dont Me Boubacar Dramé et Abdou Dialy Kane, ont plaidé que Samba Sékou Sow soit retenu dans les liens de la prévention, avant de réclamer la somme de 500 millions à titre de dommages et intérêts.
S’agissant de la défense, Me El Mamadou Ndiaye et Abdoulaye Seck ont demandé la disqualification des faits d’assassinat en coups mortels ayant entrainé la mort sans intention de la donner et de faire une application de la loi.
Samba Sekou Sow alias Bathieu est finalement reconnu coupable de l’assassinat de feue Fatoumata Mactar Ndiaye, tentative d’assassinat sur Adama Ba, vol et détention d’arme.
Ce 21 janvier 2020, Samba Sékou Sow, trente trois ans, est condamné à la réclusion à perpétuité, avec travaux forcés.
En guise de dommage et intérêts, il a pour obligation de verser la somme de 200 millions CFA à la partie civile, et la somme de 150 millions F CFA à Amadou Sow, fils de la victime.
Ainsi se termine la triste affaire Fatoumata Mactar Ndiaye.