Les derniers résultats catastrophiques de l’équipe ont coûté la place à deux sélectionneurs. La junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya n’est pas étrangère à ces sanctions.
Le football guinéen a connu des périodes plus fastes que celle qu’il traverse depuis plusieurs mois. Les derniers résultats catastrophiques ont déjà coûté la place à deux sélectionneurs. Kaba Diawara, en poste depuis octobre 2021, a été démis de ses fonctions après les trois défaites de la sélection des moins de 23 ans, dont il était en charge lors du premier tour des Jeux olympiques de Paris. L’ancien attaquant du Syli national était déjà fragilisé depuis la défaite concédée en juin au Mozambique (0-1), en qualifications pour la Coupe du monde 2026.
Puis le Franco-guinéen Charles Paquille, nommé le 4 août pour une durée de trois mois, a été démis de ses fonctions le 21 septembre, suite aux défaites concédées face à la République démocratique du Congo (0-1) et la Tanzanie (1-2) en éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations 2025. Il a été remplacé par le Français Michel Dussuyer, qui a déjà dirigé à deux reprises la sélection (2002-2004 et 2010-2015). Ce dernier avait au départ accepté d’accompagner Charles Paquille dans sa mission, mais Bouba Sampil, le président de la Fédération guinéenne de football (Feguifoot), lui a demandé de s’impliquer davantage et de reprendre les commandes.
« J’ai accepté car j’ai un lien particulier avec la Guinée. Mais il s’agit d’une mission courte, jusqu’à la fin des éliminatoires. Je dirigerai l’équipe lors des deux matchs contre l’Ethiopie les 12 et 14 octobre et ceux de novembre face à la RDC et la Tanzanie », explique Michel Dussuyer, qui laisse cependant planer le doute sur ses intentions dans le cas où la Guinée parviendrait à se qualifier pour la CAN au Maroc.
Si le banc de touche de la sélection nationale est devenu particulièrement instable, le pouvoir politique n’y est pas étranger. Ainsi, Kaba Diawara a été limogé après l’échec de la sélection olympique. « Il avait toujours eu le soutien de Mamadi Doumbouya. Mais c’est à la suite d’une intervention du chef de l’Etat que la fédération a annoncé son remplacement par Charles Paquille. Bouba Sampil, le président de l’instance, n’a pas eu le choix, d’autant plus qu’il n’est pas en très bons termes avec le palais présidentiel », explique une source proche de la Feguifoot ayant requis l’anonymat.
Vers une crise majeure ?
Le départ précipité ensuite de Charles Paquille est présenté officiellement comme une décision de Bouba Sampil et de Lappé Bangoura, le directeur technique national. Mais plusieurs sources assurent que le président de la fédération a reçu des messages clairs du pouvoir militaire afin que des mesures radicales soient prises.
« Les défaites du mois de septembre ont déplu au sommet de l’Etat. La sélection n‘est pas bien engagée en qualifications pour la CAN 2025 et elle n’est que quatrième de son groupe de qualifications pour le Mondial. Il y a eu également une grosse déception après les Jeux olympiques. Cela fait beaucoup trop pour Mamadi Doumbouya, lequel mise beaucoup sur la bonne santé de la sélection et donc de ses résultats, notamment auprès de la jeunesse », résume un observateur local.
Le président de la transition pourrait envisager de se présenter à la prochaine élection présidentielle, et celui-ci n’entend certainement pas voir sa popularité affectée par une absence du Syli national de la CAN que le Maroc organisera entre le 21 décembre 2025 et le 18 janvier 2026.
Le président de la République, qui a imposé un tour de vis sécuritaire dans un contexte économique déjà difficile, suit de près les affaires footballistiques, en particulier l’actualité de la sélection nationale. « En plus de la situation économique précaire, il y a les atteintes à la liberté de la presse, une opposition politique muselée et souvent contrainte à l’exil, insiste une source proche de la sélection. Le quotidien de nombreux Guinéens n’est pas vraiment enthousiasmant. Si, en plus, les résultats du Syli national ne sont pas bons, alors que le football peut apporter un peu de distraction, c’est forcément mal perçu par le pouvoir, lequel se sent donc obligé d’intervenir de manière plus ou moins prononcée. »
La sélection nationale jouera samedi 12 octobre une partie de son avenir dans ces éliminations pour la CAN face à l’Ethiopie sur la pelouse du stade Alassane Ouattara d’Abidjan, puisque ni elle ni l’équipe qu’elle reçoit ne disposent de stades homologués par la Confédération africaine de football. En cas de nouvelle contre-performance, le football guinéen, miné également par les tensions entre le président de la fédération et les membres de son comité exécutif, pourrait plonger dans une crise majeure, que les militaires pourraient ensuite promettre de résoudre selon leurs méthodes.