En conférence de presse de clôture des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (Bad), vendredi, à Charm el-Cheikh, en Égypte, son Président, Dr Akinwumi Adesina, a plaidé pour un renforcement du capital de l’institution afin de faire face aux besoins de financement des pays membres tout en conservant sa qualité de signature.
Prenant part au panel intitulé « Actions clés pour parvenir à une croissance inclusive et à un développement durable en Afrique », le Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération a invité les banques multilatérales de développement à s’affranchir des limites imposées par les agences de notation financière et prendre plus de risques afin de répondre aux besoins des pays africains. « Ce sont les prêteurs de dernier recours susceptibles de nous aider à financer nos projets de développement. Donc, je n’aimerais pas qu’elles se transforment en banques commerciales, plus soucieuses de leurs notes que du développement », a invité Oulimata Sarr. Lors de la conférence de
presse de clôture, le Président de la Bad, Dr Akinwumi Adesina, a abondé dans le même sens. Il a plaidé pour un renforcement du capital de la banque pour mieux faire face aux besoins des pays membres. Présent à ses côtés, le Gouverneur de la Banque centrale de l’Égypte, Hassan Abdallah, a insisté sur l’importance de conserver la qualité de signature de la Bad qui est l’institution la mieux notée sur le continent. Pour M. Adesina, la Bad fait de son mieux pour optimiser les ressources à sa disposition grâce à l’innovation financière. « Nous avons innové et la plupart des réformes qui nous ont été suggérées, nous les menons déjà. Je peux même dire que c’est nous qui les avons proposées au départ », a-t-il soutenu. À son avis, la Bad est mieux placée pour attirer les capitaux du secteur privé. Mais, pour cela, elle a besoin de plus de capital risque pour aller chercher ces fonds. Le Gouverneur de la Banque centrale de l’Égypte a invité aussi à faire en sorte que « nos fonds circulent entre nous » en développant les marchés financiers sur le continent.
Par ailleurs, la Bad a reçu mandat de ses actionnaires d’investir plus dans l’agriculture, pour la sécurité alimentaire, la souveraineté pharmaceutique, mais aussi et surtout dans les énergies renouvelables pour fournir de l’électricité aux 600 millions d’Africains qui n’en ont pas encore. Dr Adesina a rappelé qu’en 2022, la Bad a consacré 45 % de ses investissements au climat, dont 75 % de ce montant pour le volet adaptation, non sans défendre l’approche d’une transition énergétique « juste et équitable » pour l’Afrique. À cet effet, en plus de l’exploitation du gaz pour produire de l’énergie bon marché, il lance un message à la communauté internationale pour une valorisation du capital naturel africain pour améliorer le ratio dette/Pib de la plupart des pays africains.
« L’Afrique a besoin d’un nouveau modèle de croissance »
L’économiste en chef de la Banque africaine de développement, le Professeur Kevin Chika Urama, plaide, lui, « pour un nouveau modèle de croissance pour l’Afrique ». D’après ce dernier, l’analyse des données montre qu’il faut au moins un taux de croissance de 7 % sur 40 ans pour espérer sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Des précédents historiques (Chine, Taïwan, Singapour) sont là pour le prouver. Si l’Afrique a connu des taux de croissance similaires ces deux dernières décennies, aucun n’a réussi à le faire sur trois ou quatre décennies. Cette fluctuation de la croissance africaine et les incertitudes entourant l’économie mondiale constituent une menace pour l’atteinte des Odd, l’Agenda 2063 et même des « High 5 » (les cinq priorités opérationnelles de la Bad), a estimé Marie-Laure Akin-Olugbade, vice-présidente pour le Développement régional, l’intégration et la prestation de services.
Cependant, dit-elle, le dividende démographique, la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) et le capital naturel laissent entrevoir un avenir plus radieux pour le continent, à condition de s’attaquer à un certain nombre de défis dont la gouvernance, le changement climatique, etc. Selon Albert Muchanga, Commissaire de l’Union africaine pour le développement, le commerce, le tourisme, l’industrie et les ressources minérales, l’Afrique perd 200 milliards de dollars à cause des incitations fiscales aux investisseurs et 90 milliards de dollars à cause des flux financiers illicites. Parmi les facteurs bloquants, M. Urama a cité la marginalisation du continent dans l’architecture financière mondiale avec une portion congrue dans le commerce mondial. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les différents chocs ayant frappé l’économie mondiale ne sont pas les causes du retard de l’Afrique. « Ils ne font qu’exacerber des tendances qui étaient là », dit-il. De même, avoir un capital naturel (estimé à 6200 milliards de dollars dans une étude datant de 2018), n’est pas suffisant. « Il faut en faire une richesse économique », a avancé M. Urama.
Seydou KA (Envoyé spécial à Charm el-Cheikh)