Le Sénégal, bien qu’un acteur majeur dans la production rizicole en Afrique, reste dépendant des importations pour couvrir ses besoins nationaux. Dans ce contexte, le Projet de Développement de la Chaîne de Valeur Riz (PDCVR) se positionne comme une initiative clé pour réduire cette dépendance, augmenter la production locale et favoriser la compétitivité du riz sénégalais. Avec comme partenaire stratégique la Banque Islamique de Développement (BID), le PDCVR vise à renforcer l’autosuffisance en riz tout en soutenant la participation active du secteur privé dans cette filière stratégique.
Le Dr Waly Diouf, coordonnateur du PDCVR, présente les grands objectifs du projet : « Le PDCVR est une initiative de la Banque Islamique de Développement qui souhaite soutenir les pays africains engagés dans des politiques d’autosuffisance en riz. Le Sénégal fait partie des cinq premiers pays africains retenus pour bénéficier de cette initiative ». Ce programme ambitionne non seulement de réduire les importations de riz, mais aussi de stimuler la productivité à travers une série d’interventions techniques et financières ciblées.
Une stratégie multidimensionnelle pour accroître la production
Le succès du PDCVR repose sur plusieurs leviers d’action, dont l’augmentation de la superficie cultivée et l’amélioration de la productivité. Le projet met l’accent sur l’adaptation des méthodes de fertilisation et l’amélioration des semences, en collaboration avec l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) et d’autres institutions de recherche. Selon le Dr Diouf, « nous travaillons avec l’INP pour améliorer la fertilisation des sols, et avec l’ISRA pour les semences. Grâce à ces collaborations, la productivité a déjà connu des progrès notables ».
Les visites sur le terrain, réalisées récemment par le coordonnateur du projet, ont permis de dresser un premier bilan des actions mises en place. « De Thiès à la Casamance, en passant par la région de Fatick et Kaolack, nous avons constaté une hausse de la productivité. Les producteurs ont largement adopté les nouvelles méthodes de fertilisation, qui varient en fonction des spécificités écologiques de chaque région », rapporte Dr Diouf. Cette approche ciblée permet d’adapter les techniques aux réalités locales, garantissant ainsi des rendements accrus.
Collaboration avec l’Institut National de Pédologie (INP)
L’un des piliers du PDCVR est la collaboration étroite avec l’Institut National de Pédologie (INP), dirigé par le Dr Alfred Kouly Tine. L’INP, créé en 2004, se consacre à l’identification des ressources en sol et à la mise en place de technologies adaptées pour améliorer la fertilité des sols. Selon le directeur général de cette structure, « l’INP a pour mission d’élaborer des solutions durables pour la gestion des sols, notamment en ce qui concerne l’amélioration de leur fertilité pour soutenir la production agricole ».
Pour le PDCVR, cette collaboration permet de proposer des solutions innovantes pour maintenir la fertilité des sols tout en augmentant la productivité. Le le coordonnateur du PDCVR relève l’importance de cette relation : « L’INP est indispensable pour garantir une fertilisation raisonnée et durable. Notre objectif est d’assurer que le sol, un capital précieux, puisse être utilisé de manière durable pour les générations futures ».
La mécanisation comme facteur clé de modernisation
La mécanisation de l’agriculture représente également un élément central du PDCVR. En réponse à la pénibilité du travail agricole et au manque de main-d’œuvre, notamment chez les jeunes, le projet encourage la création de coopératives agricoles communautaires. Ces coopératives faciliteront l’accès aux équipements de mécanisation, rendant ainsi la production rizicole plus attractive pour les jeunes. « La mécanisation permettra de réduire la pénibilité du travail et d’augmenter significativement la production. En renforçant immédiatement la mécanisation, nous pouvons doubler la production agricole en deux ans », affirme le Dr Waly Diouf.
L’objectif est également de rendre l’agriculture plus attractive, en transformant le secteur en une véritable opportunité d’emploi pour la jeunesse. Cette initiative s’inscrit dans un cadre plus large de modernisation de l’agriculture sénégalaise, soutenue par le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’élevage. « Il est nécessaire de moderniser l’agriculture pour retenir la jeunesse dans ce secteur vital pour le développement du pays », ajoute-t-il.
Le Riz sénégalais : moins cher que le riz importé
Une des préoccupations majeures soulevées par le PDCVR est la compétitivité du riz sénégalais face au riz importé. En dépit des idées reçues selon lesquelles le riz local serait plus cher, le Dr Diouf réfute cette affirmation. « J’ai effectué des vérifications sur le terrain, notamment à Ziguinchor et Sédhiou, et j’ai constaté que le riz sénégalais est nettement moins cher que le riz importé. Le riz de qualité de 25 kg coûte environ 11 000 francs CFA, contre 12 000 à 13 500 francs CFA pour le riz importé de même qualité. »
Pour le coordonnateur du projet, l’enjeu est de mieux faire connaître le riz sénégalais aux consommateurs. « Ceux qui n’ont pas encore goûté le riz sénégalais peuvent hésiter, mais une fois qu’ils l’ont goûté, ils continuent de le consommer », précise-t-il. Le PDCVR œuvre donc pour améliorer la visibilité du riz local et en favoriser l’adoption par les consommateurs sénégalais.
L’avancement du PDCVR et la vulgarisation des résultats
Le PDCVR prévoit une phase de vulgarisation des résultats des expérimentations en cours, notamment celles réalisées avec l’INP. Des recommandations spécifiques seront proposées aux producteurs sur les méthodes de fertilisation les mieux adaptées à chaque zone géographique. « Nous allons nous appuyer sur les acteurs de la chaîne de valeur riz, tels que l’ISRA, AfricaRice, ainsi que les structures de conseil agricoles, pour diffuser les résultats des expérimentations », annonce le Dr Diouf. Ce processus devrait permettre aux producteurs d’adopter des pratiques agricoles plus efficaces et rentables.
Le PDCVR et l’avenir de la riziculture au Sénégal
À travers une série d’initiatives techniques et économiques, le PDCVR vise à transformer la filière rizicole sénégalaise. Le projet ne se contente pas de favoriser une hausse de la production, il cherche également à instaurer des pratiques durables et à moderniser le secteur pour qu’il devienne un moteur de croissance économique. Avec une augmentation de la productivité, la mécanisation, et un soutien renforcé aux producteurs, le PDCVR ambitionne d’assurer l’autosuffisance en riz au Sénégal, tout en faisant du riz local un produit compétitif sur le marché.
Dans les années à venir, le PDCVR pourrait bien devenir un modèle de réussite pour d’autres pays africains confrontés à des défis similaires. Avec des partenaires comme l’INP et l’ISRA, et des investissements de plus de 28 millions d’euros de la Banque Islamique de Développement, le projet place l’agriculture rizicole au cœur de la souveraineté alimentaire et du développement économique du Sénégal.
Par: Moustapha TOUMBOU – Seneweb.com