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Thierry Breton : enquête sur le patron français à qui Macky Sall a offert la nationalité sénégalaise

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Le commissaire européen au Marché intérieur est au centre d’une enquête du quotidien Libération pointant le naufrage d’Atos. Celui qui clame partout son amour pour le Sénégal, sa deuxième patrie, a dirigé l’entreprise de services numériques pendant dix ans avant de rejoindre son poste à Bruxelles en 2019.

Thierry Breton fixe désormais le sommet de la pyramide européenne. Le fauteuil de Ursula von der Leyen, la présidente de la commission sortante qui souhaite rempiler. L’ancienne ministre de la Défense de l’Allemagne a officialisé sa candidature à un nouveau mandat le 7 mars dernier au congrès de sa formation politique, le Parti populaire européen (PPE).

Le même jour, le commissaire chargé du Marché intérieur a décoché contre elle un tweet assassin : «Malgré ses qualités, Ursula von der Leyen mise en minorité par son propre parti. La vraie question désormais : est-il possible de (re)confier la gestion de l’Europe au PPE, soit cinq ans de plus, soit vingt-cinq ans d’affilée ?» «Peu confraternel et légèrement misogyne», s’est-on indigné du côté de Bruxelles, selon le journal français Libération, qui a publié ce lundi 8 avril une enquête sur le naufrage d’Atos, fleuron français de l’informatique que Breton a dirigé entre 2008 et 1019.

Le commissaire au Marché intérieur ne s’en émeut pas. Il bombe le torse. Justifie ses propos et le timing. «Sachez-le, je ne fais rien au hasard, j’attends le bon moment, lance-t-il au quotidien de gauche depuis son bureau à Berlaymont, siège de la Commission dans la capitale belge. Madame von der Leyen venait de signifier qu’elle était candidate à sa succession, sortant ainsi de sa neutralité, c’est totalement inédit. Voilà, au moins c’était dit : la campagne a démarré.»

Commission d’information
Pourtant, par les temps qui courent, Thierry Breton a d’autres chats à fouetter. Il a été récemment auditionné dans le cadre d’une mission d’information du Sénat français sur les déboires d’Atos. La procédure peut lui coûter son poste à Bruxelles. Libération rapporte que la Chambre haute «songe à muter sa commission d’information en commission d’enquête» et que «les sénateurs sont en train d’écrire leurs conclusions [desquelles], dépend en partie l’avenir européen de Thierry Breton».

Le commissaire européen avait pris les rênes d’Atos en 2008. Après avoir sauvé tour à tour Bull, Thomson Multimédia et France Télécom, celui qui était surnommé «redresseur d’entreprises», distingué parmi les 100 meilleurs managers du monde par la prestigieuse Harvard Business Review, avait pour nouveau défi de remettre sur les rails le groupe. Au moment de prendre fonction, il qualifiait l’entreprise de «boîte de merde», tout en promettant d’en faire «un truc énorme».

L’ancien ministre de l’Économie et des Finances de Jacques Chirac se mit alors au travail. Restructuration, embauches, licenciements, série d’acquisitions (branche informatique de Siemens, Bull, Xerox, Syntel…) et introduction en Bourse (Worldline, la division Paiement du groupe, puis Atos) rythment les premières années Breton à Atos. Très vite la «boîte de merde» passe de simple vendeur de services informatiques, maintenance et gestion de data centers, à géant de son secteur bien coté.

Atos, le crash
Mais après le départ de Thierry Breton pour Bruxelles, en 2019, à la demande d’Emmanuel Macron, patatras ! L’entreprise ne respire plus la forme. Elle suffoque. Malgré les multiples plans de relance et le défilé de dirigeants ces dernières années, elle traine aujourd’hui une dette brute de 4,6 milliards d’euros et le cours de son action est au plus bas (1,88 euro)…

Thierry Breton nie toute responsabilité dans ce crash. «Moi, j’ai laissé l’entreprise en parfaite santé, sans dette», plaide-t-il dans Libération. «Une dette de 1,736 milliard [d’euros] est tout de même répertorié, fin 2019, à la page 88 du rapport financier, corrige le journal. Ceux qui sont restés ont raconté devant la Chambre haute la logique financière de Breton, obnubilé par le cours de Bourse, ratant des tournants technologiques majeurs, partant ‘comme un voleur’.»

Le quotidien de gauche souligne que lors de son départ pour Bruxelles, Thierry Breton a empoché 40 millions d’euros. Cette fortune représente la valeur de l’ensemble de ses actions Atos qu’il a eu le temps de céder à 65 euros l’unité (contre 1,88 euro aujourd’hui) avant de faire ses valises. «Sans compter cette retraite chapeau qu’il demande à lisser chaque année dans le bilan financier et à toucher à l’issue de son mandat de commissaire, pour éviter les scandales. Elle est, selon nos informations, gérée par Axa, pour un montant d’environ 14 millions d’euros brut», complète Libération.

Citoyen sénégalais
Thierry Breton n’évoque peut-être pas grand-chose au commun des Sénégalais. Mais pour les habitués des milieux d’affaires locaux, le commissaire européen est une grosse huile. Il clame sur tous les toits son amour pour le Sénégal où il a ses habitudes, fréquente des amis influents et mènent quelques affaires. L’ancien ministre français y a passé son voyage de noces, acquis la maison de l’ancien Président Léopold Senghor, compté parmi ses clients la principale cimenterie du pays et ouvert un bureau Atos.

Il y a deux ans, Thierry Breton a même célébré d’un tweet enflammé la victoire de Sadio Mané et Cie à la CAN 2021 : «Quelle incroyable victoire du Sénégal à la Coupe d’Afrique des Nations ! Félicitations aux Lions de la Téranga pour ce succès historique ! Heureux de me rendre à Dakar dès mardi pour célébrer avec tout le peuple sénégalais.» Et d’après Libération, il a accroché dans son bureau bruxellois, au milieu «de grands drapeaux européens, ses trois enfants en photos et lui, jeune, avec Chirac», une carte de l’Île de Gorée.

Ses liens avec le Sénégal se sont consolidés en 2015, quand l’ancien Président Macky Sall lui a conféré la nationalité sénégalaise, ainsi qu’à son épouse, «au regard de leur implication pour ce pays depuis une trentaine d’années».

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