Pour protester contre les mesures prises par le gouvernement pour assurer la sécurité routière, la plupart des associations de transport ont décidé d’aller en grève à partir de demain. Cette décision surprend alors que le gouvernement, qui maintient un canal de communication avec les transporteurs, a différé l’interdiction des porte-bagages et aussi la limitation d’âge des véhicules de transport de passagers et de marchandises.
Le problème du transport au Sénégal est devenu l’actualité du pays depuis plus d’une semaine. Alors que l’émotion et la douleur provoquées par l’accident de Sikilo, qui a fait 42 morts et 98 blessés, ne sont pas encore retombées, les utilisateurs des transports en commun privés devront trouver les moyens de se déplacer. Après que l’Etat a décidé de sortir le bâton pour réguler ce secteur, les transporteurs, après une Assemblée générale tenue samedi, ont décidé de le paralyser à partir de demain à 00h. Mieux ? ils le mettent au point mort en décrétant une grève illimitée. Ils appuient sur l’accélérateur pour pousser le gouvernement à revenir sur les 22 mesures prises lors du Conseil interministériel sur la sécurité routière tenu lundi dernier, au lendemain du choc de Kaffrine.
A la Bourse du travail Madia Diop, l’ambiance n’est pas à la joie. Les transporteurs sont tendus, mais affichent une détermination sans faille. «Les Sénégalais (es) vont encore souffrir», tonne Alassane Ndoye, responsable du Syndicat des travailleurs du transport routier du Sénégal affilié à la Cnts. Ce samedi, c’était le grand rendez-vous des routiers, qui ont laissé éclater leur colère. Tous les 14 présidents des garages des différentes régions du Sénégal étaient présents. Les complaintes étaient au menu du jour, à tour de rôle, chacun avait son mot à dire. «Aujourd’hui (samedi), si vous voyez cette grande mobilisation des chauffeurs, cela prouve que nous sommes très fidèles à nos camarades qui nous ont fait confiance. Nous avons trouvé un consensus, à partir de 00h, aucun véhicule de transport ne sera actif. Que ce soit les véhicules de transport de marchandises, les véhicules de transport en commun, entre autres. Et nous allons nous abstenir jusqu’à ce que l’Etat revienne sur sa décision. Et ça sera sans limite. Nous sommes restés ici depuis 3 mois sans circuler, alors aujourd’hui on peut rester plus de 4 mois sans circuler», détaille M. Alassane Ndoye. Il se désolidarise des routiers qui ont été conviés au Conseil interministériel, qui ont approuvé les mesures. Il poursuit : «L’Etat a appelé une équipe soi-disant, un groupe de personnes pour dire que ce sont ces gens-là qui gèrent le secteur du transport. Ils se sont mis dans un bureau, ont discuté, tracé leur stratégie, jusqu’à sortir un décret. C’est bien, nous, à notre niveau, nous allons montrer à l’Etat qui est légitime et qui sont les véritables responsables du transport. Et je précise bien que toute cette décision ne nous concerne pas.» Il vient de mettre toutes ces décisions à la poubelle.
Gora Khouma, Secrétaire général de l’Union des routiers du Sénégal, par ailleurs membre de l’intersyndicale, marche sur la même voie : «Nous avons recueilli l’avis de la base. Et c’était l’essentiel. Et la base nous a donné des consignes pour que le mardi prochain, comme l’a dit mon camarade Alassane Ndoye, nous allions en grève. Le gouvernement de Macky a sorti 22 mesures concernant le transport. Malheureusement, ça n’a pas fait l’objet de discussions sérieuses. Il faut qu’on discute sur les points. L’Etat a discuté avec des acteurs, mais il n’a pas discuté avec nous. Nos portes sont ouvertes et nous sommes prêts à discuter.»
Pape Mamadou Ndiaye, Secrétaire général du Syndicat des acteurs du transport national et transnational, enfonce le clou : «Je demande aux gros porteurs de ne pas circuler à partir de la date retenue, qui est le 17 janvier. Nous appelons toutes les plateformes à se mettre debout pour se battre. Nous sommes fatigués, nous les transporteurs. Chaque jour, des chauffeurs meurent au niveau des frontières et personne n’en parle.»
Au milieu du brouhaha, Djibril Ndiaye, Secrétaire général de la Fédération nationale des transporteurs, par ailleurs membre du Conseil d’administration de l’Aftu, renchérit : «C’est une position commune, nous sommes dans l’urbain et l’interurbain. Donc ces 22 décisions de Macky Sall nous concernent directement. On adhère à ce projet qui est d’aller en grève. L’Etat a pris une décision solitaire et aujourd’hui personne n’est d’accord avec cette décision. C’est pour cela que nous avons décidé de retenir nos véhicules pour que l’Etat revoie sa copie, malgré les problèmes que les Sénégalais (es) vont devoir affronter.»
L’Etat ne va pas «reculer»
A cause de la gravité de l’accident de Sikilo, l’Etat avait pris 22 mesures lors d’un Conseil interministériel convoqué lundi dernier pour assurer la sécurité routière. Jeudi, les ministères de l’Intérieur et des Transports ont signé le premier arrêté conjoint qui interdit désormais le transport interurbain entre 23h et 5h du matin. D’autres devaient suivre, mais les autorités ont retoqué certaines comme la limitation de la durée d’exploitation à 10 ans pour les véhicules de transport de personnes et à 15 ans pour les véhicules de transport de marchandises, la pose et l’usage de porte-bagages, et prescrivant le démantèlement de ceux déjà fixés sur les véhicules, entre autres, devraient être prises par les autorités.
Face à la résistance des transporteurs, le gouvernement a décidé d’offrir une période dérogatoire d’un an aux routiers dont les véhicules ne disposent pas de soute. Même s’il promet d’accélérer le processus de renouvellement du parc automobile. S’il admet que le droit de grève est sacré, l’Etat a décidé de «ne pas céder aux pressions» et va mener le processus jusqu’à son terme.
Le Quotidien.sn