A la frontière russe, les Finlandais d’Imatra s’en remettent à l’OTAN
REPORTAGEInquiets des tensions avec leur voisin, une majorité des habitants de la zone frontalière soutiennent l’adhésion d’Helsinki à l’Alliance atlantique.
Au poste frontière d’Imatra, à 270 km d’Helsinki, à l’ouest, et à 200 km de Saint-Pétersbourg, à l’est, le temps semble s’être arrêté. Les rares automobilistes qui s’y présentent sont redirigés vers Lappeenranta, le seul point de passage de la région encore ouvert, situé à une trentaine de kilomètres au sud. Seuls les poids lourds qui ne sont pas immatriculés en Russie ou en Biélorussie ont le droit d’entrer en Finlande. Quant au transport ferroviaire, il est à l’arrêt : sur les rails, près de la route, des centaines de wagons de transport de bois forment un long serpent immobile sur plusieurs kilomètres, conséquence de l’embargo sur le bois russe, imposé par l’Union européenne, depuis le 8 avril.
Anna Helminen, 46 ans, est la présidente du conseil municipal d’Imatra. Membre du Parti de la coalition nationale, elle est favorable à une adhésion de la Finlande à l’OTAN. A Imatra, le 06 mai 2022. ADRIEN VAUTIER/ LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »
De nature habituellement joviale, Anna Helminen, la présidente du conseil municipal d’Imatra, petite ville de 26 000 habitants, située à trois kilomètres du poste-frontière, ne cache pas son pessimisme face au rideau de fer qui s’est abattu entre les deux pays, le 24 février : « Je ne vois aucune lueur au bout du tunnel », dit-elle. Dans ce contexte, l’élue du Parti de la coalition nationale (conservateur), âgée de 46 ans, longtemps indécise sur la question d’une adhésion de la Finlande à l’OTAN, a rejoint le camp des partisans. « Je pense que c’est une bonne solution pour assurer la sécurité dans la région et rassurer les investisseurs, que notre voisinage avec la Russie pourrait inquiéter. »Lire aussi :Article réservé à nos abonnésLa Finlande souhaite que le processus d’adhésion à l’OTAN soit le « plus rapide possible »
Anna Helminen n’est pas la seule à avoir changé d’opinion : selon un sondage publié le 9 mai, 76 % des Finlandais sont désormais favorables à l’adhésion, contre moins de 30 % avant la guerre en Ukraine. Un basculement de l’opinion publique, impensable il y a encore quelques mois, qui devrait mener le pays de 5,5 millions d’habitants à annoncer sa candidature d’adhésion à l’OTAN d’ici la fin de la semaine.
Incursion d’un hélicoptère
Moscou a déjà fait savoir que l’intégration de la Finlande – qui doublerait la longueur des frontières entre la Russie et l’Alliance transatlantique, la faisant passer de 1 215 à 2 555 km – ne resterait pas sans réponse. Le 4 mai, alors que le ministre britannique de la défense, Ben Wallace, assistait à l’exercice militaire « Arrow » dans le sud-ouest de la Finlande, un hélicoptère militaire russe a fait une incursion de 4,5 km dans l’espace aérien finlandais, au nord d’Imatra. Le lendemain, des médias russes ont publié des photos de blindés, prises lors de l’exercice, affirmant que la Finlande mobilisait des troupes à la frontière avec la Russie.
Si ces tentatives de déstabilisation sont suivies de près par les autorités à Helsinki, Emil Stigman, chef de la sécurité à Imatra, assure qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Selon cet ancien garde-frontière de 32 ans, « les événements n’affectent pas la vie quotidienne des habitants ». Un brin résigné, Jarmo Ikävalko, un habitant de 70 ans bientôt, confirme : « De toute façon, peu importe ce qui arrive. Nous vivons sur la frontière et nous n’avons nulle part où aller. »
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