[Portrait],Salwan Momika, le brûleur de Coran qui attise les tensions internationales
Salwan Momika, réfugié irakien en Suède qui, par deux fois en moins d’un mois, a déclenché une vague d’indignation en profanant un exemplaire du Coran à Stockholm, était jusqu’ici un homme plutôt discret, mais son passé n’a rien d’un long fleuve tranquille.
Le 28 juin, cet homme de 37 ans avait piétiné un exemplaire du Coran avant d’y glisser du bacon et d’en brûler quelques pages devant la plus grande mosquée de Stockholm au premier jour de l’Aïd al-Adha, fête célébrée par les musulmans à travers le monde.
Jeudi, il a organisé un nouveau rassemblement, autorisé par la police suédoise, durant lequel il a piétiné et mis en pièces un exemplaire du livre sacré de l’islam devant l’ambassade d’Irak, mais sans y mettre le feu comme il l’avait annoncé.
Les deux fois, Salwan Momika, lunettes de soleil carrées sur le visage, a adopté une attitude de défi face aux contre-manifestants critiquant son acte, opposant un sourire narquois à leurs insultes.
Son geste est destiné à alerter la société suédoise du “danger de ce livre”, avait-il affirmé le 28 juin.
Avant son exil en Suède, ses comptes sur les réseaux sociaux témoignent d’une tentative de carrière politique en Irak, comportant des liens avec un groupe armé chrétien pendant la lutte contre le groupe Etat islamique, la création d’un obscur parti politique syriaque, des rivalités avec d’influents paramilitaires chrétiens et une brève arrestation.
Il a également participé aux vastes manifestations contre la corruption en Irak fin 2019, un mouvement de contestation inédit reprimé dans le sang par les autorités, faisant plus de 600 morts.
– Casse-tête diplomatique –
Salwan Momika avait initialement prévu son action à Stokholm en février, mais la police avait interdit la manifestation, invoquant des risques de troubles à l’ordre public.
Les organisateurs avaient fait appel de cette interdiction et un tribunal administratif, début avril, puis une cour d’appel administrative, mi-juin, leur avaient donné raison.
Interrogé par le quotidien suédois Aftonbladet en avril, Salwan Momika avait assuré qu’il n’entendait pas “nuire à ce pays qui (l)’a accueilli et qui a préservé (sa) dignité”, ajoutant qu’il souhaitait voir le Coran interdit en Suède.
Son action polémique est malgré tout source d’un casse-tête diplomatique pour le gouvernement suédois.
Son geste du 28 juin avait entraîné des condamnations dans le monde entier, y compris en Turquie, dont le feu vert est nécessaire pour que la Suède adhère à l’Alliance atlantique.
L’Organisation de coopération Islamique (OCI), basée en Arabie saoudite, a appelé à des mesures collectives pour éviter que des exemplaires du Coran soient à nouveau brûlés.
A Bagdad, des partisans du leader religieux chiite Moqtada Sadr ont brièvement pénétré dans l’ambassade de Suède en signe de protestation.
– Détermination intacte –
Le gouvernement suédois a condamné un “acte islamophobe” et la police a ouvert une enquête pour “agitation contre un groupe ethnique”, au motif que l’autodafé s’est déroulé devant une mosquée.
La levée de boucliers et les “milliers de menaces de mort” qu’il dit avoir reçues ont toutefois laissée intacte la détermination de Salwan Momika.
“Dans les dix jours, je brûlerai le drapeau irakien et le Coran devant l’ambassade d’Irak à Stockholm”, avait-il déclaré au quotidien suédois Expressen, niant que ses actions constituent des “crimes de haine”.
La décision de la Suède de laisser sa seconde manifestation se tenir a poussé l’Irak a expulser en représailles l’ambassadrice suédoise à Bagdad et à suspendre la licence du géant suédois de l’équipement télécom Ericsson dans le pays.
Et l’ambassade de Suède à Bagdad a cette fois été incendiée, lors d’une nouvelle manifestation des partisans de Moqtada Sadr.
Sur les réseaux sociaux, Salwan Momika, originaire de la province de Ninive (nord), commente l’actualité irakienne, ne mâchant pas ses mots pour dire sa déception de la politique et dénoncer le mouvement de Moqtada Sadr.
Après son action de jeudi, il a publié un message sur Facebook promettant de “continuer à affronter l’idéologie islamique et ses marchands jusqu’à ce qu’elle soit interdite”.
Début juillet, il avait confessé avoir des ambitions politiques en Suède, déclarant qu’il espérait être un jour candidat au Parlement pour le parti anti-immigration des Démocrates de Suède (SD).
Ce parti, qui soutient l’actuel gouvernement de coalition du Premier ministre Ulf Kristersson, avait alors répondu que les actions de Salwan Momika ne le représentaient pas.